9 juillet 2019
L’interopérabilité en bref : histoire, définition et enjeux
Interopérabilité : à l’heure du Smart Building et de la Smart City, ce mot résonne de plus en plus dans les conférences et autres événements des professionnels du secteur. Pour autant, il ne date pas d’hier. En 1991, l’Union Européenne aborde la notion d’interopérabilité en ces termes : elle « peut être définie comme étant la capacité d’échanger des informations et d’utiliser mutuellement les informations échangées ». Autrement dit, l’interopérabilité correspond à la capacité que possède un système à fonctionner avec d’autres produits ou systèmes, existants ou futurs, sans restriction d’accès ou de mise en œuvre. Concrètement, cela signifie que des systèmes ou équipements qui ne sont pas issus du même fabricant, qui ne parlent pas le même langage, doivent pouvoir malgré tout dialoguer entre eux et échanger des données.
L’interopérabilité s’applique à de très nombreux domaines : médical, aérospatial, industriel… et est de plus en plus présente dans le bâtiment, où elle est un facteur-clé de sa transition numérique. Dans un monde où le bâtiment fait sa révolution grâce aux équipements et services (BIM, bâtiment à énergie positive, services de confort/bien-être…), le fait de savoir son bâtiment interopérable, capable de s’adapter aux services actuels et futurs, constitue en effet un avantage de premier ordre.
L’interopérabilité dans le bâtiment : pouvoir et savoir communiquer
Dans le domaine qui nous intéresse aujourd’hui, celui du bâtiment, l’interopérabilité comporte deux aspects :
– Le « pouvoir communiquer » : lié aux échanges de données entre les services, l’infrastructure réseau et les équipements du bâtiment
– Le « savoir communiquer » : qui implique que les systèmes présents dans le bâtiment s’interfacent sur un réseau commun, fédérant les différentes données collectées.
Concernant le « pouvoir communiquer », l’enjeu consiste à ce que l’architecture technique du bâtiment puisse continuer à fonctionner malgré d’éventuelles modifications d’éléments qui la composent. Nous pouvons scinder cette architecture en 3 niveaux :
– Les services : la couche applicative, où sont stockées et traitées les données du bâtiment, afin d’apporter un service aux usagers et au bâtiment,
– L’infrastructure réseau : elle concerne le réseau permettant la transmission de données que ce soit radio et/ou filaire,
– Les équipements : il s’agit du matériel permettant de collecter ou d’acheminer les informations (exemples : capteurs, switchs…)
– Les équipements : il s’agit du matériel permettant de collecter ou d’acheminer les informations (exemples : capteurs, switchs…)
L’interopérabilité implique donc la possibilité de modifier chacun de ces 3 niveaux, sans modification des deux autres, afin qu’un service n’impose pas un équipement spécifique ou une infrastructure réseau dédiée et réciproquement. Or les équipements du bâtiment ne sont pas produits par les mêmes entreprises, et celles-ci ont des technologies et des protocoles qui diffèrent souvent. L’enjeu réside donc dans le fait de les faire dialoguer ensemble, même s’ils ne parlent pas la même langue.
Pour autant, « pouvoir communiquer » ne suffit pas à rendre le bâtiment interopérable, il doit également « savoir communiquer ». Un bâtiment peut tout à fait comprendre plusieurs architectures techniques qui sont chacune interopérables, mais qui n’échangent pas de données entre elles. Cette absence d’interconnexion entre les réseaux (par exemple énergie, contrôle d’accès, éclairage…) ne permet alors pas d’échanger de données dans le but d’apporter de meilleurs services aux occupants et au bâtiment.
Actuellement, l’interopérabilité sous ces deux aspects est trop peu présente dans le monde du bâtiment : les systèmes de gestion technique du bâtiment, d’énergie, de contrôle d’accès, de sécurité… sont souvent des systèmes non mutualisés et propriétaires, ce qui peut rendre captif les acteurs du bâtiment, en les obligeant à n’utiliser qu’une technologie ou un seul équipementier. Cette absence d’interopérabilité induit des surcoûts et contraintes comme l’absence de supervision globale du bâtiment, la multiplication des réseaux, l’obsolescence des équipements, ou encore une complexité accrue dans l’exploitation du bâtiment. Pour que les données soient valorisées, elles doivent pouvoir être croisées, mutualisées et analysées.
Toutefois, des solutions émergent chez les équipementiers qui prennent de plus en plus en considération ces enjeux et proposent désormais des produits interopérables. De plus, autre bonne nouvelle, la recherche d’une complète interopérabilité ne nécessite pas nécessairement de travaux ou le changement de l’ensemble des systèmes techniques du bâtiment. Par exemple, il n’est pas nécessaire d’avoir tous les équipements nativement interfaçables au réseau du bâtiment : ils peuvent l’être par l’intermédiaire d’un équipement central, ou d’une interface de programmation (API) permettant d’exposer les données collectées afin de les rendre accessibles aux fournisseurs de services. Cela permet ainsi d’opérer la transition vers le bâtiment connecté et communicant tout en respectant les écosystèmes existants.
Sans interopérabilité, le risque est de siloter les systèmes et les objets connectés correspondants, donc de cloisonner les services du bâtiment.
Selon une étude du cabinet McKinsey, en 2025, 40 % de la valeur estimée des objets connectés dépendra de leur interopérabilité.
L’interopérabilité, clé de la transition numérique des bâtiments
Le bâtiment souffre d’un antagonisme naturel. Il est un lieu d’innovations permanentes (interfaces vocales, mesures du confort, services numériques…) qui agissent en cycles courts, avec des technologies sans cesse renouvelées. A contrario, il est faiblement muable dans le temps (du moins dans son enveloppe), durable, avec des cycles longs de construction et d’amortissement. Ces deux cycles sont justement réconciliables grâce l’interopérabilité.
« Le bâtiment prend une place importante dans le pilotage de la ville de demain mais l’ensemble des données qui sont disponibles à l’intérieur de ces bâtiments restent pour l’instant très cloisonnées et il est nécessaire de les faire sortir pour les valoriser afin de piloter la ville de demain » Michel Cassini (Egis Conseil).
En concevant des architectures numériques interopérables, il est possible d’avoir un bâtiment performant dans le temps, tout en limitant également les dépenses inutiles dues à son obsolescence. L’interopérabilité est l’outil permettant au bâtiment de faire sa transition numérique, à la fois en son sein, en permettant au bâtiment d’être modulable, mais aussi dans l’interaction qu’il peut avoir avec le quartier, les infrastructures et la ville. Le bâtiment devient ainsi apte à héberger à la fois les services existants mais aussi, et surtout, les services de demain.